dimanche 1 juillet 2012

EPIPHANIE DE DABI (ET SI DIEU ... TOME II - VERSET V).



AÏE ...


Pauline n'était pas dupe. Elle comprenait les limites de l'amour humain, parfois sublime mais animal (idée du grec eros), et celles du désir de se sentir inondée par une miséricorde divine rassurante auto-construite (idée du grec agape), par définition invisible et donc non prouvable.

-  Ce n'est pas à moi de te le dire, intervint Dabi, mais "cela" fait un peu auto-suggestion.

-  Je ne le sais que trop, répliqua Pauline. C'est l'histoire de l'absent présent !

-  La nuit, je suis toujours là et l'on ne me voit pas, s'immisça Râ.

-  C'est de la présence absente, corrigea Dabi.

-  Et le jour, on peut m'admirer quand je prends un bain de soleil, minauda Méné.

-  Là, c'est de la présence présente, s'énerva Pauline.

Décidément, la Raison l'emportait et faisait tourner la mayonnaise du rêve. Dabi en rajoutait dans la lucidité, ce qui assombrissait le tableau.

-  Les faux-semblants, alors, c'est un coup de Lucifer, idéedegénia Pauline ?

-  Celui-là, il nous met des bâtons dans les roues de rayons, fustigèrent Râ et Méné !

-  Vous l'avez déjà vu, s'intéressa Dabi ?

-  Non, car c'est l'éternel présent absent, toujours ici et jamais là.

En réfléchissant en son for intérieur, DABI vit IBAD, son double, son inversion ontologique, son être à l'envers, son ineffaçable reflet.

-  Nous y voilà, chantèrent en feu d'artifices Râ et Méné, qui n'avaient rien perdu du recto-verso tétragrammique.

-  Je ne vous comprends pas, implora Dabi le dédoublé schizo-freiné.

-  N'oublie pas que tu es une créature humaine, mon ami, commença doucement Méné.

-  De ce fait, poursuivit Râ, tu es le fruit d'un ensemble de réflexions limitées.

-  Avec le pour et le contre, remarqua Méné manichéenne.

-  Et vous deux alors, s'exaspéra Dabi ?

-  Nous ne sommes pas des créatures virtuelles, mais des réalités.

-  Ce qui signifie, questionna Pauline ?

-  Que Lucifer n'est qu'une chimère de miroir, donc une irréalité, affirmèrent les lueurs galaxiques.

-  Alors IBAD n'existe pas pour de vrai, se rassura Dabi, perclus de doutes métaphysiques sur son origine ?

-  Oui et non, continua Méné, un chouia bipolaire et normando-béarnaise. En fait, lucibad nous gêne à peine; étant seulement dans les esprits, il brille par son absence.

Il faisait un temps magnifique. Pauline décida de s'absenter du présent quelques heures, le temps de "remettre son esprit" à l'ère du réel, mélodie rythmée par les rondeurs célestes de l'univers. Dabi l'accompagna, se fit tout petit, et la remercia de l'avoir délesté de son lourdingue Y surnuméraire.

-  Que le diable s'emporte, plaisanta joyeusement Pauline !

L'auteure n'en menait pas large. Dans quelques jours, elle présenterait son premier (et dernier ?) livre, lors d'une rencontre-signature organisée à Dermate. Les médias locaux ne firent aucune publicité, mise à part une vague annonce dans l'Eclairage républicain, quotidien peu lumineux. L'un des rédacteurs en "chef adjoints" connaissait très bien David (Cf Tome I, Editions B); de plus, le nouveau président du golf de Tridemin y avait sévi en tant que journaliste. Pauline s'amusait, mais avec gravité. Car tout de même, nous flirtions avec la perversion.

-  Tu crois que l'on va porter plainte contre moi, demanda Pauline ?

-  Cela mettrait la dernière pincée d'aromates dans notre salade, lui répondit l'écrivaine, interpellée.

-  Penses-tu que je sois virtuelle, continua Pauline ?

-  Entre nous, ta réalité offre son inspiration créatrice à mon imaginaire, confia l'auteure.

-  Si j'avais su, je serais venue plus tôt, conclut Pauline.

Mal cachée dans un cèdre centenaire, une pie voletait de branches en tiges. Elle s'amusa gaiement puis s'enfouit dans son nid. Tout verdoyait tendrement, à profusion. Pauline humait, admirait, se laissait emporter par le bien-être.

-  Tu sais, Dabi, j'aimerais dire merci.

-  A qui, à quoi ?

-  Je comprends pourquoi tu existes; tu n'es que la résultante de nos pensées mais tu réponds à notre besoin d'exprimer notre trop-plein d'émotions.

-  C'est pourquoi la souffrance demeure mon pire ennemi, intervint Dabi. Je donne du sens au beau, mais pour le laid, que suis-je ?

-  Le revers de la médaille, répondit Pauline.

-  Las ! Tu te défiles avec un jeu de langage. Le bon et le mauvais existent car tu en as l'expérience. Tu donnes alors une origine divine (mettons dabienne) au Bien, au Meilleur voire à l'Idéal mais pour le Mauvais, le Pire ou la Bassesse, tu es coincée.


-  Cela me fait penser à une pie, dit Pauline. Cet oiseau est blanc et noir, mais pas blanc plus noir ce qui ferait gris.


-  Allons plus avant dans ta recherche zébréimorphe, força Dabi. Le blanc et le noir peuvent cohabiter distinctement. Supposons qu'il en soit de même avec le bien et le mal.


-  Je te suis pour l'instant, anticipa Pauline.


-  Imaginons que le noir, symbole des ténèbres et de l'enfer, disparaisse du plumage de l'ailée.


-  C'est une pie albinos !


-  Ou mieux, une colombe, désignant paix, bonheur absolu. Et si le blanc s'enfuit, demanda Dabi ?


-  C'est une pie gabonnaise !


-  Ou mieux, un corbeau, signe péjoratif, oiseau de malheur. Attention au racisme basique, Pauline !


-  Finalement, je préfère les tourterelles, entreparenthésa Pauline.


-  Nous avons donc quatre possibilités, continua Dabi imperturbable : Le tout blanc, le tout noir, le blanc et noir, le gris.


-  Dame, se moqua Pauline, nulle au jeu d'échecs.


-  Soit le bien, le mal, le médiocre et ?


-  ...


-  La nature humaine, plomba cruellement Dabi.


-  Oui, concéda Pauline. Mais le noir serait-il aussi foncé s'il n'y avait pas de blanc ?


-  Nous parlerons de la relativité plus tard, dictatoria Dabi.


-  As you like it, celta une Pauline pacifiste. Certains individus éprouvent du plaisir à avoir ou faire mal. En existe-t-il qui souffrent d'être ou rendre heureux ?


-  Ouh mais tu brûles les étapes, calma Dabi ! Nous en sommes à définir des paradigmes.


-  Des quoi, s'effara Pauline ?


-  Des mots qui expriment une idée de référence, précisa Dabi pédagogue.


-  Quelle pie plette, maugréa Méné, quelque peu jalouse de ne pas être conviée à la discussion.


L'été brillait sans gloire. Après plusieurs remplacements dans le centre de la France, Pauline profitait d'une période de repos en Bretagne. Finie la pie, bonjour la mouette !



L'humour restait de mise en son humeur galipette. Après deux mois d'absence, elle retrouverait bientôt Dermate.

Quelques péripéties pimentaient son retour. Elle avait envoyé aux plus grandes revues golfiques francophones, un texte cocasse et sévèrement moqueur dénonçant les méfaits du Comité (avec un immense C) de Direction (avec un méga D) du Golf (avec un giga G) de Tridemin (est-il besoin d'imaginer la grandeur du T ?). Le célèbre mensuel Mondogolf avait publié son texte. Quelle publicité ! De ce fait, le président (avec un petit p) n'avait pas hésité à la menacer par lettre recommandée de saisir son avocat. Bonjour la non-intelligence dénuée de toute subtilité rieuse ! Comme toujours, Pauline recevait des claques, le DENONCAIT haut et fort, ce qui provoquait sa mise à mort, décidée par une meute aigrie, passionnée de corrida. Mais ses amis la hissaient vers des hauteurs qui rendent minuscule la méchanceté humaine.
L'ascension devenait son meilleur bouclier.

-  Ce n'est pas mal vu le coup de la montée aux cieux. Les ailes angéliques semblent plus efficaces que celles de l'autruche, laïcarda-t-elle.

-  Façon de voir, répliqua Dabi le rusé. Là-haut, tu peux rencontrer un rapace et en bas une taupe.

-  Heureusement que je suis là pour éclairer vos ténèbres, pontifia Méné.

-  Tu crois vraiment que la taupe a besoin de nous, rectifia Râ ?

-  C'est tout de même un monde, se lamenta Pauline ! LE ciel, aérien, libertarien, divin au masculin, LA terre, poussière, misère, humaine, au féminin.

-  En gaulois, précisa Dabi incollable en Loi salique et en BD. D'ailleurs Obélix est l'incarnation de l'Obélisque de Paris.

-  Normal, intervint Râ, en pleine crise de machismite subaigue, puisque la potion magique est une décoction de chromosomes Y.

-  Comment le sais-tu, soupçonna Pauline ?

-  "A-t-on idée" de ne point faire le rapprochement entre la Place de la Concorde et mon auguste personne, haussalesépaula Râ !

-  Amen Office 4, brindefolia Pauline.

-  Ne serait-ce point un ancêtre de Pl-Aton, insista Râ, persuadé que seul Michel Onfray comprendrait son astuce entre guillemets ?

Pauline fit signe à l'auteure que tous ces jeux de mots pseudo-historico-philosophiques ne feraient pas une bonne promo pour la vente de son Tome 2.

-  Tome comme Saint Homme, susurra Dabi avec un énorme accent toulousain.

-  Ou bien comme Thomas, s'amusa Pauline.

-  D'ac, conclua Râ, dont la couleur virait au Daquin clair.

A force d'écrire, l'auteure avait des fourmis dans les jambes, qu'elle décida de dégourdir. Ah le golf de Laden ! Quel lavage de cerveau bienfaisant, ré-équilibrant le flux des neuro-médiateurs ! Total bonheur, s-Elf control. Pauline contemplait une carte de la terre, à plat, en deux dimensions, surprise d'une union entre exactitude et fausseté. En se perchant brièvement sur son balcon, une pie voleuse s'envola vers les profondeurs de son rêve. Non loin du détroit de Béring, le dessin des côtes de l'Alaska ressemblait au Finistère de ses ancêtres.

N'y avait-il rien d'autre qu'un compas, une équerre et une horloge ? Même la lumière intellectuelle dirigeante se trouvait réduite en équations dogmatiques depuis "le Siècle"! En vertu de quelle supériorité autoproclamée, certains esprits se trouvaient-ils plus éclairés que d'autres ? Madame la pie lui offrait le clair-obscur, le flou artistique, la radiation tamisée. A vol d'oiseau, son être oubliait les frontières de la réalité. L'absence trace les contours de la présence.

Pauline revenait à Dermate, profitant de la douceur estivale, loin d'une foule assoiffée d'elle-même. Palpable, le temps se déroulait avec lenteur. Elle le dégustait avec une fébrilité canalisée, une intensité tranquille.

-  Tu nous fais souvent le coup du paradoxe, intervint Dabi.

-  C'est mon arme contre l'établi pour toujours, le correct à perpétuité, le dogme pléonasmiquement éternel, le non évolutif, argumenta Pauline.

-  Certes, mais cela nous met dans un état de tension permanente, avec risque de disjonction, répondit Dabi.

-  Orage-désespoir, pétalesplomba Pauline, qui ne savait plus si son inconscient lui rappelait Racine, Corneille ou bien Victor Hugo.

-  "Ô rage, Ô désespoir, Ô vieillesse ennemie !", n'est-ce point de Molière demanda Méné ?

-  Quelle tristesse que l'ignorance féminine, se lamenta le mec Râ !

-  Nous venons juste de commencer nos Humanités, s'exclamèrent Pauline et Méné ! Nous avons des excuses. Et vous, qui étudiez depuis la nuit des temps, pouvez-vous éclairer nos lanternes ?

-  Hum, maugréa Dabi. N'est-ce pas de Charles de Gaulle, la vieillesse ennemie ?

-  Et plouf, bonjour le naufrage de ta mémoire, perfida Pauline qui connaissait bien Rouen, ville natale de Corneille.

Le visage de Râ s'illumina joliment.

-  J'ai trouvé, rayonna-t-il ! C'est un extrait du Cid errant.

-  Quel bazar sidéral, répliqua Pauline ! Hubert Reeves en serait sidéré.

Les olympiades de Pékin venaient de commencer. Pauline n'avait pas de télévision pour éviter d'empâter ses corps et neurones. Les médias affirmaient que le Dalaï-Lama se rendrait en France, justement durant les Jeux. Quel casse-tête chinois ! Afin de calmer les esprits religieux surchauffés, on avait même fait les gros yeux aux dirigeants pékinois, histoire d'éviter quelques bombes humaines. Bouddha n'avait pas encore mis son grain de sable dans la bagarre mondiale ? Eh bien, nous y étions !

-  Tu n'as pas honte, Dabi, moralisa Pauline ?

-  Sans mon B, je me sentais bancal, mentit-il avec un aplomb insupportable.

-  En choisissant comme date le 08.08.08, la Chine se met au calendrier chrétien, intervint Méné. Un comble !

-  A mon avis, l'archevêque de Toulouse y est pour quelque chose. Dans son livre "Le moine et le lama", il élimine sauvagement les dames.

-  Tu crois qu'il n'y a pas de féminin à lama, s'enquit Méné perplexe ?

-  "Lamale au diable !", dirait un berrichon amoureux de George Sand, se moqua Dabi.

-  Du côté du Mont Athos, ce n'est pas terrible non plus, déprima Méné. Les moines gynophobes ont supprimé le "e" pour éviter l'apparition de l'horrible a-theos. Finalement, les "e" sont redoutables. Pauvre de moi, qui en ai deux !

-  Ecoute Méné, dit gentiment Pauline; en anglais tu n'en as aucun et de plus, tu es adorée par la secte Moon.

-  Tu as raison; cela dépend des régions, des saisons, de la mousson et du temps qu'il fait à la maison, seremontalemorala Méné, devenue adepte de la secte Coué.






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